Société – Meurtre
Dans la nuit de mercredi 30 avril 2008, Michel Mbomake Tchambake a été froidement abattu devant sa fille de 5 ans. Un histoire de mafia dans la filière d'exploitation pétrolière.
1- Meurtre de sang froid
Tout porte à croire qu’il s’agit d’un règlement de compte. Ces bourreaux, sans avoir trouvé aucune résistance l’ont buté et n’ont rien emporté. Il est 20h30mns lorsque Michel Mbomake Tchambake gare devant le portail de son domicile à Ndogpassi III. « Il venait libérer la ménagère et récupérer sa dernière fille dont il est très attaché », confie sa sœur aînée. Car son épouse était à New-Bell à une veillée. Après avoir klaxonné, la ménagère se précipite pour ouvrir le portail, il lui demande si sa fillette Joyce est endormie, elle répond par la négative. Il demande de l’amener et qu’ils iront l’accompagné. Maman Martine s’exécute, il descend de son véhicule et recommande à cette dernière de bien verrouiller les portes.
C’est alors que trois personnes cagoulées et tout de noir vêtu surgissent de la broussaille qui jouxte son domicile. « J’ai compris ne bouche plus », affirme Maman Martine. Il lève les bras et propose à ses agresseurs de prendre le véhicule, le portable et d’entrer dans son domicile pour recevoir de l’argent. Ils resteront indifférents à toutes ses propositions. Ils vont tout simplement le palper pour vérifier s’il portait un gilet pare-balle avant de tirer à bout portant deux balles dans ses côtes et sont remontés vers la jonction qui mène à son domicile. « C’est alors que j’ai vu mon patron s’écrouler sur la barrière, j’ai crié Joyce ont a tué ton père et de toutes mes forces j’ai lancé des appels au secours en vain », indique Maman Martine, la ménagère.
Tout en se tortillant et en tenant son abdomen, il réussira à remonter dans son véhicule. « J’ai cru alors que les balles ne l’avaient pas atteint », déclare Maman Martine. Il va effectuer une marche arrière en trombe et va aller détruire la barrière faite de béton de son voisin avant de perdre le contrôle de son véhicule un 4x4 qui va dévaler en toute vitesse la descente qui traverse son portail et va aller terminer sa course sur un manguier. «N’eut été le fait que je me suis attelé à fermer le portail en passant le rejoindre, cette voiture nous aurait écrasé. J’ai compris qu’il ne maîtrisait plus le volant de son véhicule, car je l’ai vu effondrer sur son siège », raconte Maman Martine. Ces bourreaux, des tueurs à gage professionnel sans doute, sont redescendus jusqu’au véhicule, ont ouvert la portière avant de l’asséné le coup de grâce. Cette fois avec une carabine et sont remontés en courant, ont regagné leur véhicule de couleur blanche et sont partis.
2- Emoi dans les milieux des affaires
Ce n’est qu’après cela que redoublant les cris d’orfèvre, la ménagère a fini par sortir le voisinage, plongé dans le match de la demi-finale retour de la Champions league : Chelsea – Liverpool qui était à la pause. « Nous étions alors aux environs de 20h40mns lorsque nous sommes arrivés sur les lieux », affirme une voisine qui est sortie la première. La police a été aussitôt alertée et les secours se sont organisés pour le transporter à l’hôpital général. Il a rendu l’âme lorsqu’ils franchissaient le portail. « Il y a perdu beaucoup de sang. Car il a une grosse ouverture sur le côté dans lequel on avait enfouis du tissu pour réduire l’hémorragie», souligne un des secouristes. Sa fille de 5 ans en est encore marquée. « Elle demande aux gens de ne pas pleurer sinon les bandits vont venir les tuer aussi », avoue un membre de la famille.
L'affaire suscite de grands bruits dans aussi bien dans le patronat camerounais que dans les milieux camerounais de Paris. Une enquête est ouverte diversement au commissariat du 14ème arrondissement, L’Esir et le Gso. Elle devra tout d’abord essayer d’élucider les mobiles de ce crime et de rechercher les coupables. Pourquoi pas les commanditaires. Il ne fait pas de doute qu’elle passera par une autopsie pour permettre aux spécialistes de la balistique de déterminer les armes utilisées. « L’enquête ne vient que de débuter et ne sera pas aussi évidente », reconnaissait la même nuit les policiers descendus sur le terrain. Pour certains observateurs avertis, il ne fait pas de doute que Michel Tchamake est victime de la maffia qui est entretenue dans les milieux de l’exploitation pétrolière. Surtout depuis que les nationaux ont été admis dans la filière.
3- La maffia du pétrole
Pour son épouse, son mari s’était rendu au ministère des mines à Yaoundé, mardi la veille. De son retour, il lui avait dit que sa mission s’était effectuée avec succès. « Mon mari était peu bavard », affirme la veuve. Difficile pour elle de savoir si son époux avait des démêlés dans ses affaires. Surtout que depuis qu’il habite ce domicile, le couple n’a jamais pris de vigile et en vingt ans n’ont jamais été ni volé ni agressé. Pourtant certaines confidences révèlent que depuis deux mois, il envisageait déjà à se procurer un pare-balle. Certainement qu’il se sentait menacé. Mais par qui ? Là reste l’énigme. Ingénieur en génie mécanique spécialisé dans les interventions en plongé sous-marine, il est dans le pétrole depuis une vingtaine d’années. Michel Tchambake, 51 ans a été cadre à la Elf, puis à la Total Fina avant de contribuer à mettre sur pied la société pétrolière privée à capitaux nationaux Firts Oil qu’il va quitter pour monter la sienne, Delta Petroleum Cameroun. Ce qui n’a pas toujours été apprécié par ses anciens partenaires. On parle même des menaces de mort verbal qui lui ont souvent été proférés.
La dernière en date serait venue de ses concurrents dans l’achat de deux anciennes stations Shell dans la province de l’Ouest. Par ailleurs, on évoque une transaction bancaire qui aurait conduit à faire débloquer respectivement 29 millions Fcfa et 40 millions Fcfa dans le compte de sa société à son insu. Un faux savamment huilé puisque les chèques portaient sa signature. Il était entrain de remonter discrètement la filière avec son banquier pour débusquer les auteurs. Par ailleurs, on dit de lui qu’il oeuvrait en douce pour assainir le milieu des affaires de pétrole. Il aurait notamment fourni au ministre des mines une liste des brigands qui travaillent à maintenir, à la hausse contre réalisation des bénéfices, le prix du pétrole à la pompe. Des pistes et bien d’autres révélations futures qui pourraient en faire un feuilleton à rebondissement.
Mathieu Nathanaël NJOG