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5 décembre 2007 3 05 /12 /décembre /2007 13:26

Fête du coq

La célébration à Douala du Feo Kague, le samedi 1er décembre 2007 a été l’occasion pour cette communauté de remercier les dieux pour l’abondante moisson de l’année précédente.

 

1- Une force de frappe

“ Si le corps de l’animal tombe sur la gauche, c’est un mauvais signe. En revanche s’il tombe sur la droite, il annonce une moisson abondante. ” Ces précisions de Joseph Djoubanaï, élite de cette communauté Toupouri à Douala sont justes. La tête du coq immolé samedi dernier, 1er décembre, est tombée à droite. Un bon signe qui se justifie par la promotion de plusieurs fils Toupouri à de postes de responsabilité, voire de pouvoir dans la capitale économique. A l’issue des élections couplées du 22 juillet dernier, la liste Rdpc a remporté le scrutin municipal dans la circonscription de l’arrondissement de Douala IIème. L’une des têtes de proue de cette victoire est Emmanuel Pohowe, un Toupouri pur sang. Quelques semaines plus tard, le parti au pouvoir le lui a bien rendu. Il a été élu 1er adjoint du maire de la commune de Douala IIème. Une grande première. Cette communauté, l’une des plus importantes de cette circonscription électorale, qui y voit une reconnaissance de leur potentiel, s’est retrouvée il y a un mois dans la même enceinte pour célébrer cette élection. Emmanuel Pohowe, cadre à la société Cicam (chef d'usine à Solicam) a cette particularité d'être un chrétien engagé et un homme politique très actif à la section Rdpc du Wouri Sud. Il y occupe les fonctions de délégué au développement.

Quelques jours après, la promotion d’un autre fils de cette communauté sur le plan religieux a fait les choux gras de la presse. Le Pape Benoît XVI a désigné le 3 novembre dernier, l’Evêque de Batouri, Samuel Kleda, Archevêque-coadjuteur de Douala. Il est appelé à remplacer à terme le cardinal Christian Tumi à la tête de cette forte communauté Catholique. Né en 1959 dans le district de Datcheka, département du Mayo-Danay, (Toupouri), Samuel Kleda et le premier prélat originaire du septentrion à occuper ce poste.

Dans la communication, quatrième pouvoir par excellence, la communauté Toupouri de Douala vient d’être à nouveau honorée. Un de ses fils occupe depuis trois semaines un poste prestigieux et de responsabilité dans un quotidien national. Lazare Kolyang, responsable de la communication de cette communauté et du Feo Kague, a été nommé coordonnateur du Desk Douala du journal Mutations. Une reconnaissance du travail qu’abat ce produit de l’Esstic dans ce journal. Discret, sobre, peu disert, il tisse allégrement sa toile dans cette profession qu’il a fait sienne dans un environnement très concurrentiel.

Ils viennent ainsi agrandir une liste déjà importante des fils Toupouri occupant des postes de responsabilité dans la province du Littoral en général et la ville de Douala en particulier, où Gounouko Haounaye a imprimé sa marque en tant que gouverneur. Il a été promu ministre des Transports, lors du réaménagement gouvernemental du 7 septembre dernier. La communauté Toupouri compte également des responsables dans les forces de sécurité. Le commissaire de police principal, Emile Gousmo, est le patron du commissariat central n°1 de Douala, tandis que et le capitaine de Vaisseau, Djorwé Koskréo, commande des forces de surface de l’armée marine.

La liste est loin d’être exhaustive et certainement qu’avec le succès du rituel d’immolation du coq de l’édition 2007 qui a justifié la grande mobilisation du 1er décembre 2007 à l’esplanade du collège Saint Michel, la nouvelle année du calendrier Toupouri s’annonce aussi agréable, prospère et pleine de succès.

 

2- Absence des autorités de premier plan

Flonflons, tambours, tam-tams et bois secs ont rythmé l’ambiance de la 7ème édition de la célébration du “ Feo Kague ” ou de la “ Fête du coq ”, cette année. Une ambiance bon enfant partagée par des amis, sympathisants et curieux. Avec aux premières loges une forte absence des autorités administratives. La cérémonie était présidée par le gouverneur l’année dernière. Cette année, il y avait le représentant du préfet du Wouri ; Yamben Ousman, sous-préfet de Douala IIIème ; Doumga, cadre à l’Assemblée nationale ; Denise Fampou, maire de Douala IIème ; David Dadandi , le chef spirituel Toupouri de Douala ; le chef de la communauté, Felix Boursam et Bernard Djakdjing, chef du comité d’organisation.

La 7ème édition à Douala, de la “ Fête du coq ” n’a pas dérogé à la tradition. Elle s’est avérée un lieu de valorisation du riche patrimoine culturel Toupouri en termes de chants, de danses et de démonstration de force à travers des scènes de guerre et des épreuves de lutte traditionnelle. Une prestation offerte par une centaine de personnes, constituées de vieux, jeunes, parmi lesquelles une seule femme. Les festivaliers étaient vêtus d'une simple culotte couverte par une serviette ou une guêtre soutenue par un ceinturon militaire, le torse nu, laissaient apparaître leurs muscles saillants en brandissant des bâtons dans un pas cadencé dont seuls, les Toupouri ont le secret. Coiffés d'un béret ou d'un chapeau de “ Cow-Boy ”. Cet accoutrement et leurs gestes, caractérisent leurs origines de “ guerriers ” et de bergers. Le billi-billi, bière traditionnelle faite à base de mil, a coulé à flots. Il a émoustillé les convives et donné encore plus de frénésie aux danseurs. Les rythmes “ waï wa ”, danse populaire, le “ gourna ”, danse initiatique, les musiciens du “ gilna ” (guitare) et du “ sili ” (flûte), typiquement toupouris, se sont succédé sur la scène.

Le tout sur les regards admiratifs et illuminés des hommes, femmes et enfants, vêtus pour la plupart de boubous et de gandouras cousus avec un tissu pagne conçu pour la circonstance. Tous ont participé activement au spectacle en accompagnant les infatigables danseurs et lutteurs qui se trémoussaient dans l'arène. Ils sont allés par des cris de joie, des rires et même des trépignements des pas de danses. La fête s'est déportée dans les ménages et les bars de la ville de Douala, pour une veillée qui s’est poursuivie jusqu’au petit matin.

 

3- Le culte de Wandoré

Le peuple Toupouri est originaire des départements du Mayo Danay et du Mayo Kani dans la province de l’Extrême-Nord. Il a des pendants jusqu’au Tchad. Les Toupouri se distinguent par leurs corps sveltes et à la peau très foncée. Peuple guerrier et cultivateur du sahel, il est reconnu aussi très travailleur. Le “ Feo Kague ” ou “ Fête du coq ” est de toutes ses fêtes traditionnelles la plus importante. Elle a été instaurée il y a quinze générations par Wandoré, le chef spirituel qui est le symbole, l’incarnation et le garant de la tradition toupourie. Une communauté laïque dans une zone très islamisée. La célébration de cette fête couronne la fin d’année dans le calendrier Toupouri, tout en marquant le début de la nouvelle.

A l’origine Wandore a choisi le coq comme totem pour invoquer les esprit Mo’ope et So’oba, respectivement esprit des ancêtres et des dieux, pour qu’ils intercèdent dans la protection de toutes les familles. Mais aussi pour que la pluie soit plus abondante, le sol plus fertile ; afin que les récoltes soient les meilleures. Reconnu grand guerrier, lorsque ce grand combattant allait ou envoyait ses troupes au front, il se soumettait toujours au rituel sacré d’immolation d’un coq pour assurer leur protection. Le rituel consiste à égorger un coq et le faire tourner deux fois autour du foyer aménagé pour la circonstance avant de le lâcher. Le côté sur lequel se couche le coq après s’être débattu est très important. Sur la gauche, il annonce un malheur, sur la droite, il marque un évènement heureux. Réalisé avec succès, ce geste s’accompagne toujours des différentes incantations et d’un message de paix, de dialogue, de réconciliation, et de bonheur. C’est pourquoi de génération en génération, le rituel a été maintenu et chaque année une fête est organisée pour la matérialiser. Et chaque chef de famille est tenu à y participer avec tous les siens.

Avant cela, Wandoré, le chef spirituel, ou son représentant, responsabilité qui revient à ce jour toujours à un de ses descendants, passe 30 jours dans sa chambre pour éviter de voir ni le soleil, ni la lune. Pendant cette période tout le peuple Toupouri observe le carême. C’est une période par excellence de prise de conscience où il est par exemple interdit de taper sur sa femme, ses enfants, de proférer des injures, de jouer au tam-tam ou voler… Car la moindre violation peut coûter un mouton à payer au chef. A l’approche de la fête, le chef spirituel envoie son kalkao chercher un mouton dans le village de Dziguilao d’où il tire d’ailleurs son nom “ Maïdziguilao ”. Il annonce ainsi la sortie du chef. De même, à deux semaines de la fête, commence la fabrication du billi-billi (vin de mil) sans laquelle la fête perd toute sa signification.

Le jour de la fête, les jeunes adolescents en âge de garder les bœufs accompagnent le troupeau au pâturage et restent en dehors de la fête jusqu’à 17 heures. Après cette épreuve, ils sont déclarés majeurs. Logiquement cette fête se déroule toujours entre les mois d’octobre de novembre.


Par Mathieu Nathnaël NJOG

Le Messager 05-12-2007

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