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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 00:15
Marché Sandaga
 
La côtière
 
 
Economie / Gestion
 
Le plus grand marché de vivres d’Afrique centrale se meurt
Le marché Sandaga est dans un état de délabrement inquiétant. La communauté urbaine de Douala est prise dans l’étau d’une concession particulière. Exaspérés, les commerçants sont aux abois.
 
1 - Ambiance
Marché Sandaga, il est 5 heures du matin. C’est pratiquement la pénombre. Quelques boutiques sont illuminées et le principal éclairage vient des réverbères du port de Douala. L’enceinte du marché et ses abords sont envahis par des véhicules et des commerçants. Entre déchargement et marchandage, cela va dans tous les sens. A l’intérieur et à l’extérieur, grossistes, revendeurs et détaillants échangent. Les porteurs sont en permanence en mouvement. L’activité est infernale. Vivres frais, légumes, pommes de terres, tomates, pastèques, etc. passent de main en main contre des espèces sonnantes et trébuchantes.
Le gros du commerce se fait en plein air. Les boutiques sont désertées ou purement détruites. Certaines ne servent plus qu’à l’entreposage ou au magasinage. Les commerçants ont déserté la zone nord du marché. Les vandales en ont profité pour démonter les matériaux. La broussaille s’y est installée. La zone sud est envahie par des installations anarchiques. Les passages sont occupés par des étals de fortune. Ici, le petit commerce a pris une place importante. Pourtant, le marché Sandaga était au départ essentiellement un lieu où s’opérait la vente en gros et semi-gros.
Le marché est divisé en neuf camps aux dénominations tribales. Camp Bamoun Tomate, camp Bafou pastèques, camp Dschang discothèque, camp Bamenda poireaux, pour ne citer que ces quelques-uns. “ Le préfet nous a demandé de changer ces dénominations pour adopter des dénominations alphabétiques ”, précise l’un des responsables de l’association des commerçants. Ce qui est désormais fait, mais les commerçants ont tout le mal de s’adapter aux appellations camp A, B, C,…
Dans tous les cas, l’intense activité du marché Sandaga culmine vers 12 heures. Même si les téméraires y restent jusque dans la nuit. Notamment, les commerçants faisant dans l’export et dont l’attente d’une livraison ou l’embarquement d’un bateau retiennent plus longtemps
 
2 - Décrépitude
Le marché Sandaga est le fruit d’un jumelage entre les communautés urbaines de Douala et de Dakar. Le site servait à l’origine à l’organisation des foires. Le 2 novembre 1996, les commerçants de vivres frais du marché de Mboppi y sont recasés. Le marché Sandaga devient alors, le plus grand marché de la sous-région en matière de vivres frais. Les commerçants du Gabon, de la Centrafrique, du Tchad, de la Guinée équatoriale, les détaillants des marchés de plusieurs villes du Cameroun (Kribi, Muyuka, Munya) et les vendeuses des vivres frais des marchés de la ville de Douala, viennent depuis lors se ravitailler ici.
Malheureusement, il a une situation géographique défavorable. Il est construit dans un bas-fond. Dans le tunnel sur la voie ferroviaire entre la gare de Bessengué et le port de Douala. “ Conséquence, toutes les eaux d’usage de d’Akwa et ses environs se déversent dans ce marché. ” Les voies de canalisation sont insuffisantes pour les conduire dans le Wouri. La seule qui existe, est bouchée. A qui la faute ? Les langues se délient. L’on accuse l’insalubrité sévissant dans ce marché. Deux ans après, l’ouverture de ce marché, les premières défaillances sont enregistrées. Les boutiques acquises à 800.000 Fcfa sont désertées par les commerçants. Et pour cause. Les toitures suintent, les voies de canalisation sont caduques. Pendant les saisons pluvieuses, le marché Sandaga est inondé. “ L’eau vous arrive au genou voire au niveau de la hanche pendant les pluies torrentielles. Il est pratiquement impossible de circuler. Les marchandises flottent. C’est la boue partout. Il faut des bottes pour pouvoir y avoir accès ”, rappelle Moundiki Bebey, le dernier régisseur déchu.
Les marchandises sont endommagées dans les boutiques. Et même en plein air. Il est difficile d’y écouler les marchandises. Dans ces conditions, les pertes sont énormes : “ Les commerçants ont perdu des marchandises de plusieurs millions Fcfa. Il faut être chaussé de bottes pour y avoir accès. En saison de pluie c’est comme dans une véritable porcherie ”, révèle Kong Oscar. Il ajoute “ Tous ces chantiers, le bureau des commerçants les aurait entrepris si on reversait même 5% des recettes perçues à notre association. ” Pourtant, les commerçants sont unanimes du fait que dans “ ce marché, il circule énormément d’argent. ” L’ancien régisseur, Moundiki Bebey dénonce pourtant les pratiques des responsables des commerçants “ Ils perçoivent de manière parallèle 200 Fcfa sur chaque commerçant là où nous percevons 100 Fcfa. ”
 
3 - A qui la faute ?
Les commerçants accusent les régisseurs de mauvaise gestion. Ils avouent payer plusieurs taxes communales indirectes. Il vient d’être décidé l’application de la taxe de stationnement pour les commerçants assujettis. Elle est entrée en vigueur dès le 15 mars. Mais déjà, “ les commerçants des étals paient une quittance journalière de 100 Fcfa. A la guérite, tout ce qui y entre ou en sort paye une quittance de 500 Fcfa. ” Les camions paient entre 2000 Fcfa pour les camionnettes de marque Toyota Dyna et 6000 Fcfa pour les camions de 12 tonnes et plus. “ A la sortie, les mêmes marchandises paient près de 24.000 Fcfa à la sortie. En raison de 500 Fcfa par porte-tout (pousse-pousse, Ndlr) ”, rappelle Ngatcha Justin, propriétaire d’une poissonnerie dans ce marché.
Le 28 février dernier, ils ont organisé un mouvement d’humeur pour protester contre les manœuvres “ maffieuses ” du régisseur. Les autorités sont descendues sur le terrain. Le délégué du gouvernement, Ntoné Ntoné Fritz a dénoncé les faibles recettes que génère ce marché. “ La Communauté urbaine perçoit seulement 500.000 Fcfa par mois ” a-t-il annoncé. “ Cette situation est la résultante de l’incivisme fiscal grandissant à en croire les informations en ma possession ”, ajoutera-t-il. Le bureau du marché par la voix de son secrétaire général, Kong Oscar reviendra à la charge. Il dévoilera avec des statistiques détaillées que le régisseur du marché Sandaga a reconnu générer en moyenne 6,7 millions Fcfa par mois. Même s’il pense que ce marché pourrait produire mieux. “ Au regard des 4000 commerçants régulièrement recensés, en moyenne, ce marché devrait produire toutes recettes confondues en moyenne 15 millions Fcfa ”, lance un membre de ce bureau. “ Preuve que le problème se trouverait dans le contrat de concession ” signé par la Cud et le concessionnaire, Cabinet conseil Atou en 2006.
 
4 - Une Convention de concession particulière
Depuis le mois de septembre dernier, les propriétaires terriens du site abritant le marché Sandaga ont obtenu par-devant les tribunaux, la restitution de leurs terres. La communauté urbaine de Douala dans un deal décide de restituer le terrain aux ayants droits. Mais devant l’utilité publique que représente le marché, elle rétrocède la concession aux ayants droits. Histoire de leur permettre de récupérer les indemnités réclamées pour les dix années de gestion. Le cabinet Conseil Atou est requis pour gérer leurs droits. Moundiki Bebey est désigné par le cabinet pour assurer les fonctions de régisseurs.
Sa gestion est décriée par les commerçants. Ils disent être spoliés par Moundinki Bebey. Sa décision d’augmenter arbitrairement les prix mensuels de quittance de location a été la goutte d’eau de trop. Ceux-ci passaient du simple au double. “ Il a refusé de nous donner les motivations de cette augmentation des quittances de locations ” s’indigne M. Nyambeu, le président des commerçants. Mais pour l’ex-régisseur Moundiki Bebey, il fallait “ harmoniser les prix de loyer avec ceux pratiqués par la sous-location. Et d’améliorer le cadre de vie dans le marché. ” Les commerçants estiment que les motivations ne sont pas convaincantes. L’ex-régisseur ne serait pas à sa première supercherie. “ Dès sa prise de fonction le 2 août 2006, il a exigé des 4000 commerçants du marché de s’acquitter des nouvaux frais d’attribution des étals, comptoirs et boutiques. Les prix variaient alors de 3.000 à 30.000 Fcfa ”, déclare Kong Oscar, le secrétaire général du bureau des commerçants du marché Sandaga. Pour convaincre les commerçants, il s’engage à entreprendre les travaux d’aménagement. Six mois après, la désillusion est grande. “ Nous allons attendre en vain les chantiers annoncés. C’est pourquoi nous décidons cette fois de ne plus nous faire prendre dans cette supercherie ” témoigne un président de l’un des neufs blocs.
Pour ramener le calme, samedi 3 mars, la Cud a installé solennellement l’administrateur provisoire, Adolphe Betansedi. Sa mission est de “ ramener l’harmonie entre la Cud et les opérateurs économiques – évaluer le potentiel réel de ce marché – et essayer de satisfaire les doléances des commerçants en matière d’assainissement et d’électrification du marché Sandaga. ”
Au marché Sandaga, l’urgence est au versement de la pozzolande, à l’électrification, au curage des caniveaux, à l’instauration de la sécurité et l’instauration d’une campagne de propreté.
 
Par Mathieu Nathanaël Njog
Le 21-03-2007
 
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